Craquage complet et pétage de plomb

Quelques jours sans rien écrire, ça ne me ressemble pas. J’étais pas mal occupée et j’avais l’esprit ailleurs. Mais on peut dire que grâce à ce blog et à nos échanges, j’avais l’impression que mon infertilité était moins pénible à vivre.

Comme quoi, on n’est jamais à l’abri d’une « rechute ». J’ai fait ce qu’on appelle une énième grosse crise d’angoisse, comme il m’arrive d’en faire assez souvent. Ça se manifeste d’abord par des pleurs. Je pleure, je pleure, je pleure, jusqu’à ne plus pouvoir tenir physiquement, des heures, des heures et des heures en balançant tout ce qui me passe par la tête. Je passe tout en série et j’ai, dans ces moments-là, beaucoup de ressentiments, envers tout et tout le monde. Mon homme en prend aussi pour son grade… puis, me ramasse à la petite cuillère. Je déteste être comme ça, mais c’est plus fort que moi. Après chaque crise d’angoisse -qui dure bien de nombreuses heures-, je peux aller relativement bien pendant une, deux, trois semaines.

J’ai donc complètement craqué hier soir. Je suis passée pour déprimée, dépressive… en plus d’être stérile. Je suis si triste et me sens si seule par moment.

Nous étions chez des amis pour une pendaison de crémaillère. Un couple qui vit très différemment de nous : ils sont mariés, ont deux magnifiques petites filles (dont la cadette est la filleule de mon homme), et viennent d’acheter une très belle maison.

Tout se passe très bien. Nous sommes entourés de mômes et, forcément, une fois n’est pas coutume, le seul couple de la soirée sans enfants, c’est nous ! Une venait d’ailleurs juste d’accoucher, d’où son absence hier (ouf, moi qui me demandais comme j’allais bien pouvoir supporter la vue d’un énième gros ventre autour de moi…), puis une autre, la quarantaine, enceinte de 5 mois qui me dit qu’elle est tombée enceinte « par surprise », qu’elle ne s’y attendait pas, à son âge. Je lui dis que je trouve ça formidable, de surtout bien en profiter… puis lâche un « nous, ça fait presque 3 ans que nous essayons… et rien« . Et là, elle me dit que c’est peut-être « psychologique ». Je ne lui en veux pas. Elle est comme beaucoup de monde et pense que si ça ne vient pas, c’est sûrement qu’il y a un blocage psychologique. Si seulement ça pouvait être psychologique. On peut travailler sur le côté psychologique mais des follicules quasi-inexistants, paresseux et de mauvaise qualité, on ne peut rien faire contre ça. On ne peut pas grand chose, sinon rien, contre l’insuffisance ovarienne.

La nature est ainsi faite et la nature m’a mal faite (oui, j’ai une très mauvaise estime de moi, surtout à l’heure actuelle).

Bref, la soirée (barbecue) se passe agréablement. Nous profitons du beau jardin, jouons (enfin, moi surtout !) avec les enfants, échangeons des paroles sympathiques, faisons connaissance avec d’autres…

Et à la fin de la soirée (heureusement qu’il ne restait plus grand monde), j’ai complétement craqué, pété une durite, déraillé, crié ma peine, ma tristesse. J’ai pleuré à chaudes larmes en parlant à l’ami de mon homme de notre souffrance, de notre incapacité à procréer, de ma stérilité, du fait que mon arrêt de grossesse m’avait déglinguée, que j’y pensais encore et encore.

J’ai pleuré, pleuré, pleuré. Je m’en veux de m’être à ce point lâchée en évoquant des choses intimes de notre vie de couple (du style : « La norme c’est : tu baises, t’as un enfant. Nous, on baise, on fait que ça, bien plus que la moyenne d’ailleurs, et on n’y arrive pas. On n’y arrivera sans doute jamais et c’est tellement injuste ! Tout dans ce parcours est dur, les prises de sang, les échographies, les hormones qu’on doit se prendre, les échecs des inséminations, une grossesse qui n’a pas abouti alors qu’aujourd’hui, j’étais censée tenir dans mes bras mes jumeaux…« ).

Il m’a écoutée, m’a dit qu’ils étaient là pour nous, m’a réconfortée comme il l’a pu… C’est le meilleur ami de mon homme et vraiment un garçon bien.

Je m’en veux terriblement car je n’aime pas montrer cette partie fragile de moi. Quelle honte. Pourquoi suis-je incapable de me contrôler ? Non seulement je suis stérile mais en plus je passe pour la déprimée de service que je ne pense pas être. Je trouve, au contraire, que nous sommes forts mais j’ai peur de l’avenir. J’ai une boule au creux du ventre, une autre au fond de la gorge, des larmes pleins les yeux et tellement d’amour à donner… Mais mon ventre est toujours aussi vide de vie, encore une fois.

11 réflexions sur “Craquage complet et pétage de plomb

  1. L’infertilité n’a peut-être pas de causes psychologiques (en tous cas dans la plupart des cas) mais elle a des conséquences et ta FC aussi. Il n’y a pas de honte à ça. Ca n’a rien à voir avec le fait d’être fort ou pas. A un moment donné, cette douleur, il faut qu’elle sorte. La colère dont tu parles, je l’ai ressenti très violemment, j’ai aussi flirté avec la dépression. Ben, c’est qu’on humain, c’est tout.

  2. Qui passe par la stérilité et ne craque jamais se montre…
    Personne?
    Tu m’étonnes! Je mets au défi quiconque qui passe par là de ne pas craquer une seule fois (et encore, on craque tous beaucoup, beaucoup plus). Et les craquages, ben ça arrive partout et n’importe quand. Et je pense qu’il faut ouvrir les vannes de temps en temps. Je pense que ça aide aussi les proches à voir ce que c’est.
    Et puis, tu sais, je pense que le pote de ton mec savait qu’il fallait baiser pour faire un bébé (blague pourrie pour essayer de te détendre, ça marche? ;p)
    Des bises

  3. Lutine, franchement, connais tu une plus grande douleur que celle de ne pas pouvoir donner la vie et d’en plus ne rien pouvoir faire pour faire changer les choses. Parce que moi mon probleme est bien celui là. Ne rien pouvoir faire pour changer les choses. Il n’y a absolument rien qui pourrait faire changer cette situation et je refuse toujours de l’accepter ! C’est cette douleur là pour moi qui me suis toujours battue qui est la plus vive. Je sais aujourd’hui que quoique je fasse ça ne changera rien, il faut attendre et continuer d’espérer alors oui ça fait mal et oui on a le droit de craquer parce que malgré tout je crois que dans la vie d’une Pmette, on ne se plaint pas assez parce qu’on se l’interdit. Alors continuons à vider les réservoirs de tristesse de temps en temps, je pense que c’est aussi le signe d’une bonne santé mentale ! Grosses Bises

    • C’est vrai que l’on se « l’interdit » mais aussi parfois, les autres nous l’interdisent. Dans mon entourage, on me dit de faire avec, que je ne dois pas en vouloir à la terre entière, je n’en veux pas à la terre entière. C’est juste que mon mari et moi, on souffre (comme nous toutes) et qu’ils ne comprennent pas que l’on en souffre autant. Selon eux je ne dois pas gacher le bonheur des femmes enceintes de mon entourage, alors je dois me taire, ranger ma souffrance, pendant que eux ne se gênent pas de nous montrer leurs échos, etc… Pourquoi dois-je cacher mes pleurs, alors qu’eux se foutent de notre souffrance?! Honnêtement je n’en peux plus de ma cacher, de pleurer dans la voiture sur le chemin du retour…. Je me sens faible, vulnérable… Je me demande comment vous faites, vous me parraisez toutes tellement fortes

      • C’est exactement ça. Je ne pense pas être plus forte qu’une autre. Je prends ce parcours comme une expérience et puisque de toutes façons on n’y peut rien…. Je fais surtout très attention à ne pas détruire mon couple parce que ce risque là existe et il doit être absolument maîtrisé. Loulou est la seule épaule à me soutenir et surtout le seul à pouvoir comprendre et endurer ça parce qu’il est là tous les jours. Alors des fois je craque, ni plus ni moins qu’une autre et puis ça repart… Bref on attend quoi :!

      • au fond ça nous endurcie, on n’y peut rien.
        Heureusement que mon chéri est aussi mon soutient, l’épaule qui me fait tenir. C’est normal que l’on craque, on a nos coups de blues, et nos coups de boust. A bientot

  4. Lulu, cette fin de soirée a dû être bien difficile pour toi. Mais d’une certaine façon, même si on n’aime pas toujours montrer notre vulnérabilité aux autres, c’est parfois important de l’accepter, et d’accepter de partager la souffrance avec d’autres. Il semblerait que l’ami avec lequel tu as eu cette discussion est suffisamment ouvert et réceptif pour que justement tu puisses te le permettre face à lui.
    Mais surtout, ne soit pas aussi dure avec toi-même et permets-moi quelques rectificatifs:
    (1) Tu n’es pas stérile, tu es infertile, nuance qui a son importance!!
    (2) Tu as déjà été enceinte, et il y a toutes les chances pour que tu le sois à nouveau, même si le chemin pour y arriver n’est pas facile, et même s’il est difficile d’y croire parfois…
    (3) Il n’y a absolument pas de honte à se montrer fragile, bien au contraire, c’est une force de pouvoir accepter toutes les parties de soi, y compris celles-ci, c’est bien ce qui nous rend humain.
    Ce parcours est super difficile, et il faut ouvrir les vannes régulièrement – « ce qui ne s’exprime pas s’imprime », alors mieux vaut en exprimer un maximum.
    Je te fais de grosses bises

    • @lafille : Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours peur que l’on me juge, qu’on pense que je suis faible. Pourtant, pleurer ne signifie pas être faible mais juste être sensible, en avoir gros la patate. Cette image d’infertile que je ne cesse de renvoyer, inévitablement, eh bien j’ai encore beaucoup de mal à l’accepter… Merci pour tes mots.

      @lulu : Effectivement, je crois que c’est important aussi de dire la souffrance. Souffrance de ne pas pouvoir enfanter, de ne pas être dans la « normalité » (oh que je déteste ce terme !). Merci à toi, tu m’as fait sourire avec ta blague.

      @sopkwarrior : Je pense qu’il doit y avoir d’autres douleurs, semblables mais la douleur que je ressens au plus profond de moi, celle qui vient de l’intérieur : ne pas pouvoir donner la vie m’est insupportable et tout comme toi, ce qui m’est encore plus insupportable, c’est de ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve. Accepter d’être infertile pendant 1 an, 2 ans, 3 ans… 10 ans même, oui, pas de problème, je peux l’accepter… si seulement un jour ça pouvait marcher. Je m’accroche à cet infime espoir et c’est aussi ce qui me fait vivre (ça y est, c’est dit !). Le fait de ne pas savoir, d’être dans l’incertitude, c’est sans aucun doute le plus difficile à accepter. Merci sopk de me faire me rappeler que je suis en bonne santé mentale (hier, j’en ai vraiment douté… mais aujourd’hui, ça va déjà un peu mieux). Merci.

      @kaymet : Merci pour tes mots de réconfort (tu trouves toujours les mots justes).
      Tu as raison, je ne suis pas stérile mais infertile… Mais ce qu’il faut retenir, c’est que lorsque j’ai eu le bonheur d’être enceinte, mon AMH était à 1.7 (déjà faible mais aujourd’hui à 0.7 seulement) et mon FSH à 14 (aujourd’hui à 22 !). Mon IO est plus qu’installée et mes chances sont aujourd’hui quasi-inexistantes. Il ne faut plus que je me voile la face ou que j’essaie de me cacher derrière de fausses vérités. Ça serait me mentir à moi-même…
      J’aime beaucoup l’expression “ce qui ne s’exprime pas s’imprime”. Je vais tâcher de m’en souvenir.
      Je t’embrasse.

  5. tu n’as pas à culpabiliser Lutine, au contraire c’est sain que ça sorte de temps en temps. Tu vois, de mon côté, je pense que ça ne sort pas assez, parfois un peu, mais pas assez. Et tout reste à l’intérieur, ce n’est pas mieux. Si tu as ainsi pu te confier à cet homme c’est que tu as senti une oreille attentive pour t’écouter. Moi je suis plutôt admirative je t’avoue car une soirée comme celle-là, je n’y serais pas aller. Mon homme et moi ne rencontrons que nos amis n’ayant pas d’enfant ou ceux dont les enfants ont plus de 10 ans. je ne dis pas que c’est bien, mais on se préserve davantage. peut-être avez-vous besoin, un temps au moins, de créer vous aussi votre bulle. Je t’embrasse bien fort

  6. Des craquages de nerfs, des pétages de plombs, on en fait toutes je crois. A force d’essayer de se blinder et de tenir les chocs, il faut bien craquer parfois. Ce n’est jamais le bon moment le bon endroit mais y a t il un bon endroit pour avoir mal ? Alors ne culpabilise pas, ni pour ce pétage de plomb ni pour quoi que ce soit. Et il est vrai que parfois « avouer » qu’on ne va pas fort et qu’on n’est pas toujours « Mme au top » que les gens imaginent permet de découvrir que certaines personnes sont de belles perosnnes (parfois on est déçu aussi ok !). Bon courage… ps: mes craquages sont différents, mais il y en a beaucoup aussi depuis mars… et l’angoisse et l’enjeu de la tentative qui approche me met sous une pression terrible et paralysante certains jours… tu n’es pas toute seule à craquer et à désesperer !

    • @Lueur : Merci Lueur… Je vois que vous aussi, vous vous préservez comme vous pouvez. C’est important de s’écouter. Le fait de ne voir que des amis sans enfant, c’est aussi une manière de s’aider soi-même à aller mieux.
      En ce qui nous concerne, nous sommes tellement entourés de parents avec enfants (mais faut dire que je suis bien plus vieille que toi 😉 ) ou de futurs parents ou d’amis devenus parents si récemment… que nous ne sortirions plus si nous ne voyions que nos amis sans enfant…
      Mais en ce moment, peut-être est-ce de ça dont j’ai besoin… ?

      @Apo : ” “avouer” qu’on ne va pas fort et qu’on n’est pas toujours “Mme au top”… ” : sans prétention, aucune, on dit souvent de moi que je suis une nana enthousiaste, sympathique et toujours de bonne humeur. Ça doit être mon côté sociable, j’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que j’en ai assez de faire semblant. Oui, je suis heureuse dans ma vie MAIS il me manque l’essentiel. Et je suis en pleine réflexion sur cet essentiel : je me demande si c’est le fait d’être infertile qui me rend si malheureuse ou de savoir que je n’aurais jamais d’enfant… Ça revient à la même chose… mais c’est pas pareil ! Je ne sais pas si tu me suis.
      Bon courage à toi aussi, surtout pour l’attente. Bises.

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