13ème protocole : transfert d’un embryon / blastocyste vitrifié (TEV) de 6 jours le 13/07/17

Par où commencer ? Comment le dire ? Pourquoi revenir ici après 28 mois de « silence » ? Les réponses seraient bien trop longues, compliquées même. Et puis aussi sans doute pour redonner un peu d’espoir à ceux qui l’ont perdu.

Après déjà 3 ans de ce tourbillon de bonheur, ce qui m’arrive est surréel.

Côté blogo, on s’était arrêté là : la roue avait enfin tourné pour nous puisque naissait notre merveilleuse L. en avril 2015…

…Et puis… Je ne sais pas parler maternité… Mais ce qui me vient, là, comme ça, c’est que :

j’ai eu la chance de savourer chaque jour grâce au congé parental d’un an, j’ai allaité 16 mois (ça me paraît encore toujours irréel… les plus beaux jours de ma vie…), L. se plaît tellement dans sa micro-crèche parentale, elle est propre depuis qu’elle a 2 ans, parle incroyablement bien (le bilinguisme semble être un gros +++ !), elle est si belle, si joyeuse et pétillante qu’elle ne passe vraiment pas inaperçue. Je m’égare…

Donc on en était là.

Et 3 ans après, on va peut-être avoir un autre enfant.

Je suis enceinte.

Protocole gagnant de 2014 appliqué à la lettre, mais avec son lot de complications comme :

  • la découverte d’une nouvelle recrue, j’ai nommé l’adénomyose… et donc rajout d’une pilule (Minidril) au traitement de choc initial (à continuer jusqu’à 12 SA),
  • des règles qui ne sont jamais arrivées après la fin du Minidril et donc pas de feu vert pour commencer la stimulation de l’endomètre
  • ceci entraînant le début tardif du traitement de stim -débuté seulement 17 jours avant le TEV au lieu de 25 jours avant-,
  • un duo de choc de la clinique (Docteur M. et coordo A.) qui ne fait plus partie de l’équipe de Reprofit et donc une prise en charge parfois bancale (mais ça, on s’en fiche quand on a un Number 4 qui tient les rennes),
  • un transfert effectué avec le statut de « parents » et donc, une organisation à trouver…

Quasi 3 ans jour pour jour après, nous sommes retournés à Brno, dans cette ville si chère à mon coeur et qui a une atmosphère toute particulière. C’est bouleversant de revenir sur les traces de notre fille. Beaucoup d’émotions. Les larmes montent facilement en pensant à nos deux blastocystes que j’aime appeler « le cru L. » ou « la fournée L.« .

Nous sommes donc allés transférer un de nos deux beaux blastocystes (un HB de grade 2, vitrifié à J6). Je dis « un » mais nous voulions « deux ». Non pas pour « risquer » la grossesse gémellaire -et toutes les possibles complications du fait de mon grand âge- mais, comme pour L, simplement pour augmenter les chances d’une « seule » accroche. Mais il semblerait que quand on est déjà parents, les choses prennent un nouveau tournant puisque là où autrefois c’était une évidence de transférer deux, on nous l’interdit désormais.

Un transfert réalisé dans de très bonnes conditions… « médicales », j’entends.

En revanche, une situation très inconfortable dans la mesure où on ne nous a quasiment pas laissé le choix quant à celui d’en transférer un ou deux. Je n’ai pas apprécié le :

1/ « you can die with the transfer of 2« , rapport à mon utérus cicatriciel… (juste en passant, j’ai eu le plus bel accouchement du monde malgré une césarienne ; mon col ne s’est jamais ouvert…),

2/ changement d’avis de mon homme (« pas question de prendre le moindre risque, on n’en transfère qu’un ! ») qui plussoyait les dires de la doc (qui, nous l’apprenons le jour du TEV, a changé… j’apprends alors que le mien est en vacances… j’aurais apprécié qu’on me prévienne, juste…).

Number 4, toujours aussi formidable (je l’aime tant !!!) nous avait aussi fortement déconseillé le transfert de 2, mais bon, que voulez-vous, on ne se refait pas !

On n’en a donc transféré « qu' »un… mais quel « un » !

Même si c’est trop tôt et que je ne suis qu’à 6SA+4, comment expliquer (hormis le fait d’avoir trouvé le bon traitement anti cellules tueuses…) la réussite en un transfert (là où on avait mis des années avant que ça ne s’accroche durablement) ?

On ne saura jamais. La vie est incroyable. Je marche encore sur des oeufs mais avoir vu et entendu notre embryon me donne à nouveau de l’espoir. Une petite soeur ou un petit frère pour L. qui, très étonnamment, depuis déjà plusieurs mois, réclame (« je veux une soeur ! » ou alors « il est où ma frère ?« ). Ca peut donc être possible. J’ai envie d’y croire.

L’inscription à la maternité (la même super mater que pour L.) est faite.

Merci à celles qui m’ont suivie et épaulée aussi lorsque, suite à une erreur de dosage de bêta HCG du labo (fallait que ça tombe sur nous, le truc qui arrive pour ainsi dire jamais…), je pensais que la grossesse s’était arrêtée. Le biologiste du labo m’a rappelée le lendemain, mal à l’aise et se confondant en excuses expliquant une « erreur machine » et qu’il faut lire 7500 ui et non 2100 comme annoncé… J’ai cru mourir. Dans ma tristesse de la veille, j’ai tout fait pour faciliter la-chose (comme danser en portant L. dans mes bras en sautant, sautant, sautant…). Mais la vie en a décidé autrement. Erreur du labo donc. Mieux vaut dans ce sens. Je me dis que c’est un signe de la Vie, un truc peut-être pour me rappeler une fois encore combien tout ceci est fragile et précieux, pour mieux savourer la chance qui m’est donnée, pour la deuxième fois, de vivre une vraie grossesse.

Allez, je récapitule, comme j’aime :

13/07/17 : TEV d’un HB2 de 6 jours. L’autre, tout aussi beau, a pu être vitrifié une deuxième fois (les deux étaient sur une même paillette). 80 % de chance qu’il soit à nouveau transférable une fois dévitrifié.

17/07/17, DPO 10 : dosage bêta HCG 6 ui. Certaines vont bondir mais pourquoi attendre quand on peut savoir si accroche il y a ou pas ? Vu mon traitement ultra lourd, j’ai besoin de savoir si accroche il y a eu ou pas…

18/07/17, DPO 11 : test urinaire +++ (j’ai pris 15 photos de cet objet diabolique… sacralisé pour le coup).

19/07/17, DPO 12 : dosage bêta HCG 23 ui.

21/07/17, DPO 14, 4 SA : dosage bêta HCG 86 ui.

24/07/17, DPO 17 : dosage bêta HCG 471 ui.

26/07/17, DPO 19 : dosage bêta HCG 1035 ui.

27/07/17, DPO 20 : échographie n°1 : GIU => sac gestationnel de 6 mm DANS l’utérus.

28/07/17, DPO 21, 5 SA : 2511 ui.

02/08/17, DPO 26 : 7500 ui.

03/08/17, DPO 27 : 9063 ui.

08/08/17, DPO 32, 6 SA+4 : échographie n°2 : embryon de 7,1 mm de LCC, activité cardiaque : 116 bpm. La suite, ici.

Vive la vie et VIVE LE DON !

« Il faut encourager la procréation par don »

Un article publié hier dans ladepeche.fr et qui a le mérite de traiter du don d’ovules…

Ca se passe ici.

Fin de grossesse… et nostalgie…

Je n’arrive plus à écrire. Alors, ceci est le premier et le dernier billet personnel sur ma grossesse.

J’écrivais ma tristesse, mon désespoir, mes désillusions et maintenant que ce bonheur BONHEUR si inespéré est enfin au creux de moi et bientôt dans nos bras, je ne parviens plus à mettre des mots sur cet immense chamboulement dans nos vies depuis que je suis enceinte.

Je me suis aussi beaucoup auto-censurée pendant ces 8 derniers mois. Crier son bonheur quand on sait qu’on est lue par des femmes et hommes en souffrance, c’est déplacé. J’avoue avoir (parfois) détesté cela quand j’étais moi-même en attente pensant que la réussite des autres ne présageait en rien la nôtre ; ce qui ne m’empêchait (certes) pas de me réjouir -surtout pour celles aux parcours particulièrement compliqués-. Mais inexorablement, la réussite des autres me renvoyait à nos nombreux échecs.

Je ne sais pas trop ce que va devenir ce blog. En « PMA addict », si le temps me le permet, je continuerais sans doute à faire un peu de veille. Mon blog a vu le jour quand j’étais au plus mal, que je souhaitais partager mon expérience et échanger autour de nos difficultés pour avancer et surtout ne pas sombrer. Il m’a en quelque sorte « sauvée » et je n’en retiens que du bon, à commencer par vous toutes, mes combattantes, rencontrées et/ou avec qui j’échange et qui m’êtes si chères.

Aujourd’hui, alors que je suis dans mon 9ème mois, j’ai quand même envie de dire combien j’ai été heureuse pendant cette grossesse. Comme « shootée à une drogue », j’avais écrit une fois… Tout le temps, sans interruption. Les hormones de la grossesse ont fait de moi une véritable inconditionnelle de la grossesse.

J’ai si hâte de rencontrer notre fille, la respirer, la cajoler, l’embrasser… lui murmurer tout ce que j’ai toujours secrètement espéré lui dire. Mais Il ne me reste plus que quelques jours (semaines ?) pour savourer pleinement et profiter égoïstement d’elle dans mon ventre. Elle est tellement attendue par tous (famille et amis…). Tout est prêt pour l’accueillir comme il se doit. Notre appartement parisien a été complètement réaménagé. Des travaux ont été faits et chaque espace a été ultra-optimisé (j’ai découvert chez mon homme de grandes qualités insoupçonnées de bricoleur !). J’espère qu’elle ne manquera de rien. En tout cas, pas de notre amour. Ca, c’est certain.

Mon homme s’est beaucoup investi dans cette grossesse. Il était présent à tous les rendez-vous à la maternité et aux (presque !) 15 échographies… sans compter les cours de préparation à l’accouchement, l’haptonomie et les rendez-vous avec notre sage-femme libérale

Je suis si fière de lui. Je sais qu’il sera un papa merveilleux (il s’en inquiète d’ailleurs et je pense que c’est très bon signe !). Je l’aime de toutes mes forces. Être dans ses bras et sentir notre fille bouger entre nous deux : je ne connais, pour l’instant, rien de plus doux.

Il m’est arrivé de pleurer. J’ai pleuré car j’ai réalisé que j’étais bel et bien enceinte. Et pas qu’un peu. Enceinte d’un beau bébé. Viable. Qui ne sera pas prématuré -puisque dans ma 38ème SA-. Enceinte de mon enfant que j’ai tant espérée. Je suis tellement nostalgique de ma grossesse. J’ai pourtant profité de chaque instant, de chaque minute. Même quand j’étais au plus mal le 1er trimestre, la tête par-dessus la cuvette et malade… Car je savais que ça allait passer et que je ne revivrais sans doute plus jamais cela.

Je retiens de ma grossesse une grossesse idéale, sans encombre, sans difficulté, à l’aube de mes 39 ans. Je me suis souvent demandé comment la vie pouvait basculer ainsi. Comment passer de « tout compliqué » à « tout facile » ? La roue a véritablement tourné. Et c’est déjà la fin.

On aura mis presque 6 ans pour toucher du doigt notre rêve. Les chances de concevoir à nouveau restent minces. Lorsque j’écris cela, je mesure pleinement notre chance. Il n’y aucune tristesse dans mes propos. Bien au contraire. Nous avons une chance incroyable puisque nous sommes une famille.

Je peux aujourd’hui, en toute objectivité, affirmer et dire très clairement que si TOUT était à refaire, nous le referions.

Ce parcours a laissé des traces indélébiles. J’ai toujours un pincement au coeur lorsque je pense à nous toutes et que je vois que c’est parfois si simple pour certains mais je me sens tellement chanceuse que je n’envie plus personne. Ni femmes enceintes, ni mères. Car je suis à mon tour enceinte et mère.

Quand on dit qu’il faut vivre les épreuves, même les plus difficiles, pour se forger et en tirer ensuite quelque chose de constructif… C’est vrai. Si nous n’étions pas passés par la case PMA, FC à répétition, examens douloureux et intrusifs et analyses en tous genres… nous n’aurions sans doute pas savouré ce bonheur à sa juste valeur. Nous aurions été un couple lambda, heureux d’être bientôt une famille, d’accueillir en son sein un bébé. Bien sûr.

Mais notre bonheur est sans nom. Notre joie est quotidienne.

Je relativise désormais absolument tout. Je ne me reconnais plus. Je rayonne. Mon coeur rayonne. Jamais je ne me serais autant admirée dans le miroir. Ce corps que je ne reconnaissais plus et qui me trahissais sans cesse, je l’ai si longtemps et tellement souvent détesté. Aujourd’hui, je suis en confiance. Ce même corps ne cesse de me surprendre depuis juillet.

Ma fille, dans mon corps, se sera accrochée jusqu’au bout. Je suis si fière d’elle !

Je me remémore encore les litres de sang perdus lors du décollement en août dernier. Tout prêtait à croire aux mêmes conséquences catastrophiques que les précédents arrêts de grossesse. Mais non. Ma fille s’est accrochée. Elle a fait une apparition magique à l’échographie. Il n’y a pas eu de 4ème FC. Et je nous revois, abasourdis, enlacés dans les couloirs de cet hôpital, pleurant dans les bras l’un de l’autre, de soulagement et de bonheur…

On me dit souvent que notre persévérance aura payé. C’est vrai, je ne peux le nier. Nous étions à rien de tout arrêter et avons persévéré…

MAIS, MAIS, MAIS, je sais aussi et surtout que nous avons eu beaucoup, beaucoup de chance. Le bon traitement a enfin été trouvé. Je dois cette réussite un peu à notre ténacité mais surtout beaucoup à la science.

Vive la vie, vive la science, vive le don !

« La stérilité sur le divan »

Je profite de mon congé maternité (rien que d’écrire ces deux derniers mots, j’ai l’impression de rêver…) pour rattraper mon retard de lecture et vous recommande cet article « La stérilité sur le divan » de Catherine Vincent, que je trouve fort intéressant, et qui avait été publié dans Le Monde le 19 septembre 2014.

J’ai retrouvé l’intégralité de l’article dans le scoop.it Famille et Sexualité.

Ca se passe ici. Bonne lecture !

« L’absence de la cigogne », de Fabien Lecours : un roman policier sur l’infertilité

Je découvre à l’instant la sortie fin septembre de ce 3ème roman -que je n’ai donc pas (encore) lu- de Fabien Lecours, édité chez La Plume d’Or et intitulé L’absence de la cigogne : un roman policier qui traite de la problématique de l’infertilité dans le couple.

Pour en savoir plus, ça se passe ici ou alors ici (lien éditeur pour le résumé et la bande-annonce).

Regard sur l’infertilité : Geneviève Delaisi de Parseval sur France Inter

C’était hier, dans « La Tête au Carré » de Mathieu Vidard. Une émission très intéressante sur la singularité des couples en mal d’enfants.

Invitée : Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste, ethnologue et consultante en bioéthique qui sort son nouveau livre :

Voyage au pays des infertiles : 9 mois dans la vie d’une psy, Ed. Odile Jacob, 2014, 208 p. => journal de bord d’une expérience clinique au quotidien et sur une période de 9 mois.

L’émission en quelques points :

  • les délais d’attente sont bien trop long en France : pour pouvoir bénéficier d’un don d’ovocytes, il faut attendre plusieurs années… après un déjà long parcours d’AMP (Geneviève Delaisi de Parseval parle de 3 ans, mais on nous avait annoncé au moins 4 ans dans notre CECOS parisien) ;
  • il y est question de ce que Geneviève Delaisi de Parseval appelle la « 4ème blessure narcissique » : alors qu’un enfant se faisait dans le secret du ventre maternel, désormais, l’embryon se fait dans l’éprouvette… et toutes ces techniques relèvent un peu de la science fiction ;
  • elle note l’intérêt de la psychanalyse, l’importance pour les couples de dire le parcours, les difficultés ;
  • concernant les embryons surnuméraires -qui sont congelés en vue d’une utilisation ultérieure-, elle les appelle « les enfants  possibles » ou les « jumeaux d’étuves » ;
  • concernant la FIV avec DO : l’association Maia est citée, les contraintes financières évoquées, les difficultés quant aux relations entre les membres du couple soulignées…., les conséquences sur le corps et le coeur… ;
  • il est rappelé qu’en France, le don d’ovocytes est permis mais impossible car très peu nombreuses sont les donneuses d’où le recours au don à l’étranger ;
  • l’infertilité ne doit plus être le seul problème privé d’un couple puisque c’est un problème de société, souvent lié à des problèmes environnementaux ;
  • il est aussi question de la proposition d’Apple et de Facebook de faire payer la congélation d’ovocytes : on parle de « procrastination procréative » ;
  • le recours au double don de gamètes -en cas de double infertilité- (interdit en France), a été évoqué (don de sperme + don d’ovocytes) ;
  • les insuffisances de la loi française ont été relevées ;
  • d’autres points ont été précisés : les femmes qui se lancent seules en PMA, l’adoption, la monoparentalité, le travail de deuil de la maternité, le forum européen de la bioéthique…

Ca dure environ 3/4 d’heure et ça se passe ici (à écouter à partir de la 10ème minute).

Bonne écoute, « peuple infertile » !

Irène Théry reçue par Laure Adler dans Hors-Champs sur France Culture + article de La Marseillaise

A l’heure où on entend un peu tout et n’importe quoi sur la PMA, la GPA, le mariage pour tous…, je vous invite encore et toujours à écouter Irène Théry, essentiellement à partir de la 29ème/30ème minute…

Ca se passe ici.

Et un article du journal « La Marseillaise » d’hier à lire ici ou ci-dessous :

Irène Théry a présidé le groupe de travail qui a remis en avril dernier un rapport au gouvernement traitant de la PMA, de la GPA, de la filiation, de l’accès aux origines… Photo Patrick Di Domenico L’utilisation de l’article, la reproduction, la diffusion est interdite – LMRS – (c) Copyright Journal La Marseillaise

Sociologue, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Irène Théry est l’auteur du rapport « Filiations, origines, parentalité ».

La sociologue et directrice d’études au centre marseillais de l’EHESS tenait une conférence hier sur les thèmes abordés par le rapport « Filiations, origine, parentalité » qu’elle a remis au gouvernement en avril dernier. Elle rééditera l’exercice la semaine prochaine* à l’invitation de l’Idep. Pour La Marseillaise, elle éclaire les termes des débats de société d’une brûlante actualité.

Dans votre conférence vous évoquez « l’enjeu des valeurs ». Un mot surtout manié par les tenants d’une vision réactionnaire de la famille. Quel sens y mettez-vous ?

Notre rapport est sous-titré « Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle ». Les conservateurs s’arrogent le monopole des valeurs. La défense de la famille, c’est eux. Les valeurs, c’est eux. Mais la gauche a cessé d’abandonner la famille aux conservateurs. Aujourd’hui elle soutient la famille contemporaine, valorise sa diversité, avec le souci premier des inégalités immenses entre familles riches et pauvres. Contrairement à ce que dit la Manif pour tous, on peut analyser les grandes évolutions de la famille par l’affirmation de nouvelles valeurs. En premier lieu, l’égalité entre les sexes qui s’oppose au modèle de famille traditionnelle fondée sur la complémentarité hiérarchique entre l’époux et l’épouse, le père et la mère. Aujourd’hui la famille est co-dirigée. En second lieu, l’égalité entre les sexualités liée au changement de regard porté sur l’homosexualité qui est passée de l’état de perversion, de péché mortel, puis de pathologie à celui d’orientation sexuelle comme une autre.

Enfin, les nouvelles valeurs qui font évoluer la famille résident dans le progrès de l’attention portée à la personne de l’enfant et l’importance donnée à la filiation, inconditionnelle et indissoluble.

Votre rapport préconisait l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes. Il n’a pas été suivi d’effet. Diriez-vous qu’il s’agit d’un recul des progressistes sur le terrain des valeurs ?

Cela relève surtout d’une méconnaissance du sujet. Au fond les politiques n’ont jamais pris ces questions de société au sérieux. Au moment du débat sur le mariage pour tous -un changement important dans une institution comme le mariage- je n’ai pas vu le politique s’élever à la hauteur du sujet avant le grand discours de Mme Taubira.

C’est le modèle français de procréation médicalement assistée qui pose problème. Il repose sur un mensonge en droit, une forme de « ni vu ni connu » qui cherche à biologiser la filiation d’un enfant né grâce à un don de sperme, d’ovocyte ou d’embryon. Et fait passer par exemple un père touché par une infertilité pour le père biologique de l’enfant. Au fond, on met en accusation les seuls couples qui ne sont jamais tentés de mentir sur l’origine de leur enfant : les couples de femmes qui expliquent simplement l’aide apportée par un « gentil monsieur qui a donné sa petite graine » pour permettre une naissance.

 » Je suis heurtée par les discours conservateurs
qui comparent les enfants à des animaux de compagnie,
les femmes à des fours… « 

La question de la Gestation pour autrui (GPA) interdite pour les couples hétérosexuels comme homosexuels divise profondément les progressistes, une partie d’entre eux dénonçant une marchandisation du corps de la femme. Ce n’est pas votre point de vue, pourquoi ?

Il faut distinguer deux débats. Il y a d’abord le clivage entre ceux qui considèrent comme Sylviane Agacinski ou Marie-Jo Bonnet que toutes les GPA sont une forme d’esclavagisme et ceux qui estiment qu’il peut exister une GPA éthique. De la même manière qu’on ne peut mettre sur le même plan le trafic d’enfants et l’adoption internationale éthique. Le deuxième clivage existe au sein de ceux qui peuvent envisager une GPA éthique. Certains disent qu’on ne peut pas la garantir dans tous les cas et qu’il faut donc s’abstenir, d’autres considèrent que des pays autour de nous la pratiquent et disent « tentons la ».

Ces débats méritent de la sérénité, du respect. Dans le groupe de travail que j’animais, la moitié était favorable à la GPA l’autre non mais chacun s’écoutait. Je suis très heureuse que la cour européenne des droits de l’Homme ait cité de larges passages de notre rapport dans l’arrêt rendu sur les enfants nés de GPA à l’étranger. Ces enfants existent, leur filiation doit être reconnue. Je suis heurtée par les discours conservateurs qui comparent les enfants à des animaux de compagnie, les femmes à des fours… La GPA est interdite pour tous les couples et ne sera légalisée que le jour où une majorité de Français jugera que c’est une bonne chose.

Quels sont vos arguments pour l’accès aux origines des enfants adoptés ou nés de PMA ?

On a longtemps confondu deux choses : l’accès aux origines et la recherche de filiation. En reprochant de faire primer le biologique sur l’engagement aux jeunes qui veulent savoir d’où ils viennent, on répond à côté. Ils le disent eux-mêmes : « Nous avons des parents, nous n’en voulons pas d’autres, mais ça nous importe de savoir de qui nous sommes nés. » Cette demande a rencontré un grand mépris de la part de certains parlementaires. Il ne s’agit pas de transparence imposée mais simplement de permettre à des jeunes majeurs de ne pas se voir refuser l’accès à leur propre dossier par l’État ou une administration. Les expériences anglaises ou suédoises montrent que les arguments sur la chute des dons de gamètes sont fallacieux.

La notion de genre a beaucoup été utilisée pour affoler l’opinion. De quoi s’agit-il au juste ?

Il n’y a pas de théorie du genre mais des études de genre très diverses qui portent sur la distinction sociale masculin-féminin dans sa dimension hiérarchique, inégalitaire. En réalité, les conservateurs ont surtout affolé sur l’indifférenciation des sexes. L’idée que dans la filiation, il y aurait un parent 1 et un parent 2. C’est un pur fantasme. Les parents homosexuels sont sexués, il peut y avoir deux pères ou deux mères mais pas d’indifférenciation. Quant à l’absence de référence féminine ou masculine pour un enfant, c’est là encore un fantasme. Il suffit de voir une photo de mariage gay pour y voir les grands-mères, les grands-pères, les oncles, les cousines qui entoureront comme dans toutes les familles les enfants dans leur développement.

Entretien réalisé par Léo Purguette

Irène Théry, invitée de l’Esprit Public sur France Culture

Vous n’êtes plus sans savoir mon admiration pour Irène Théry.

Alors, je ne pouvais passer à côté de l’émission L’Esprit Public d’hier sur France Culture.

Je vous invite vraiment à prendre une petite heure de votre temps pour écouter cette émission.

C’est parfois un peu complexe, mais tellement passionnant !

Irène Théry, vous êtes sociologue, chercheur au CNRS et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Vous êtes membre depuis février 2013 du Haut-Conseil de la famille. Vos recherches portent sur les recompositions contemporaines de la famille, que vous expliquez par la dynamique de l’égalité des sexes et que vous analysez à travers le prisme de la notion de genre. Vous proposez dans vos travaux une nouvelle définition de la famille centrée sur la filiation plutôt que sur l’union d’un couple. L’an passé, vous avez été chargée par la ministre déléguée à la Famille de superviser un rapport sur la filiation, dans le cadre de la préparation de la loi sur la famille. Début février, après une grande manifestation de défense de la famille traditionnelle, ce projet de loi a été reporté sine die par le gouvernement. Le rapport que vous avez intitulé « Filiations, origine, parentalité » et que vous aviez rendu en février, a finalement été publié début avril.
Il constate que la structure du couple a été modernisée au cours des dernières années et qu’elle ne pose plus ou peu de problèmes. En revanche, vous soulignez les nombreuses insuffisances juridiques de notre système de filiation. Ces insuffisances sont liées aux récentes évolutions du modèle familial. Les couples homosexuels ne bénéficieraient pas d’un régime de filiation cohérent vis-à-vis de la place qui leur a été faite au sein du droit de la famille. Vous plaidez ainsi dans votre rapport pour « un droit de la filiation commun et pluraliste ».
Dans cette optique, vous proposez de distinguer entre une filiation  commune et ses modes d’établissement, pluriels. Selon vous, le droit français a besoin d’un régime de filiation unique qui efface les distinctions entre filiation charnelle et adoptive, entre parentalité naturelle et légitime. Cette nouvelle filiation commune répond selon vous à un impératif d’égalité. Vous insistez d’autre part sur la nécessité pour le droit de reconnaître une pluralité de modes d’établissement de la filiation. Ils seraient au nombre de trois : l’engendrement biologique, l’adoption et l’aide médicale à la procréation (AMP ou PMA). Vous plaidez ainsi pour une ouverture de l’adoption plénière aux couples homosexuels et de la PMA pour les couples composés de deux femmes. Votre groupe de travail n’a pas souhaité prendre position sur la question de la Gestation pour autrui (GPA). Il a tout de même formulé une invitation forte à reconnaître dès aujourd’hui les filiations existantes issues de GPA – ce dans l’intérêt de l’enfant. Vos préconisations semblent recouper l’état de l’opinion française puisque selon un sondage réalisé par l’institut Harris Interactive les 3 et 4 février 2014, 57% des Français se disent favorables à la PMA pour les couples de femmes tandis que 59% des sondés sont opposés à la GPA. En revanche, l’opinion est partagée sur la question de l’adoption pour les couples homosexuels.
Vos propositions sont guidées par la question de l’intérêt de l’enfant. Ainsi accordez-vous beaucoup d’attention à des situations potentiellement frustrantes et dangereuses pour l’équilibre familial. C’est le cas de la question de l’accès aux origines, qui concerne les enfants nés sous X, adoptés ou issus de PMA et qui souhaitent connaître l’identité de leurs géniteurs. C’est également le cas des beaux-parents qui, au sein de familles recomposées, s’investissent dans un lien affectif avec leurs « beaux-enfants » sans pour autant se voir reconnaître une quelconque existence juridique. Sur ces deux questions, vos préconisations vont dans le sens de la pluralisation des liens de parentalité.
Votre rapport place la question de la filiation au centre du débat sur la famille et sur la société dans son ensemble. En effet, vous écrivez dans votre rapport que : « Dans une société où l’on peut tout perdre du jour au lendemain (son travail, sa maison, l’amour de son conjoint) la filiation contemporaine veut assurer à tous les enfants la sécurité d’un lien différent de tous les autres, le seul lien social conçu désormais comme inconditionnel, fait pour durer la vie entière quelles que soient ses modalités d’établissement, et quel que soit le sexe des parents ou leur statut conjugal. »
Irène Théry, pouvez-vous nous expliquer en quoi les anciens cadres de la filiation sont selon vous dépassés et comment les préconisations de votre rapport peuvent pallier les manques mis à jour par les récentes évolutions du modèle familial ?

Invités

Irène THERY, sociologue, chercheur au CNRS, directrice d’études à l’EHESS et membre du Haut-Conseil de la famille

Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

Max GALLO, romancier et historien

Marc-Olivier PADIS, directeur de la rédaction de la revue Esprit

 L’émission date d’hier, 13 juillet. Ca dure un peu moins d’une heure et ça se passe ici.

ROY, William, De Père en FIV, Ed. La Boîte à Bulles, Coll. Contre coeur, 2014

Un moment que j’ai envie de laisser une trace sur mon blog des livres que j’ai lus et/ou que je lis en lien avec :

  • le désir de grossesse/d’enfant/de parentalité,
  • le parcours de PMA,
  • le deuil de l’enfant issu de ses gamètes/de son patrimoine génétique,
  • le deuil de l’enfant tout court…

Ces livres que j’ai aimés (ou non, d’ailleurs parfois) et qui font, d’une manière ou d’une autre, écho à nos parcours longs et éprouvants.

Ces livres coups de coeur/poing que l’on s’échange pour partager des émotions communes…

Comme j’avance dans ma réflexion sur le deuil de l’enfant, j’aimerais également vous faire -bientôt, bientôt !- partager mes difficiles, douloureuses mais ô combien passionnantes découvertes.

Des lectures nécessaires qui font cheminer l’idée. L’idée de départ que l’on pensait (et qualifiait d’) inacceptable.

Mais aujourd’hui, c’est d’une nouveauté dont j’aimerais parler.

Il s’agit d’une BD, « De Père en FIV », de 168 pages et au graphisme coloré, dans laquelle l’auteur/dessinateur, William Roy, décrit avec humour et sincérité le parcours de PMA d’un jeune couple… avec ses difficultés et (peut-être ?) ses joies. Le parcours est autobiographique et c’est ce qui en fait sa force. Voici le résumé de la 4ème de couverture :

Jeune couple soudé et plein de projets, Emma (28 ans) et Guillaume Leroy (34 ans, OATS extrême) ont tout pour être heureux… excepté une chose : un enfant. D’essais infructueux en échecs répétés, les deux jeunes mariés se heurtent à la stérilité. Rude épreuve pour Guillaume lorsqu’il découvre, après les tests, qu’il est celui qui pose problème. Mais qu’à cela ne tienne, ils l’auront, cet enfant ! Ensemble, ils se lancent alors dans les déroutantes démarches de la fécondation in vitro. Hanté par les hyperboles de Doctissimo et la culpabilité de l’infertilité, Guillaume éprouve le quotidien des embarrassants dons de spermes, des tests aux résultats redoutés et des consultations sans fin. Et c’est sans compter sur le spectre de son propre père, paternel indigne et distant qui réapparaît soudainement dans sa vie…

Avec un regard réaliste empreint d’autodérision, William Roy partage avec humour et justesse une expérience profondément humaine, hissée par un espoir inébranlable. 

J’ai aimé :

  • qu’il ait été fait allusion aux liens du coeur… qui l’emportent sur les liens génétiques,
  • l’expression de ses propres démons, les craintes et les angoisses liées à la pression sociale et environnementale,
  • le ton, le graphisme et les couleurs,
  • les feed-back / retours dans le passé qui font écho à l’enfance du héros,
  • la nuance « stérile » / « pas impuissant » !

J’ai moins aimé :

  • la fin… arrivée un peu… rapidement…

Bien que dinosaure et routarde de la PMA, cette BD qui retranscrit bien les différentes étapes de la FIV que l’on connaît malheureusement ici toutes et tous trop bien, m’aura quand même fait découvrir trois nouveaux mots :

  1. ectopie testiculaire,
  2. orchidomètre,
  3. épididyme !

Beaucoup d’éléments sont passés au crible. En vrac, on a :

  • les rencontres avec les équipes médicales (anesthésistes, biologistes…),
  • les limites de certains médecins et/ou équipes médicales,
  • les réactions -bienveillantes, souvent et heureusement pour ce couple- de l’entourage,
  • le « jonglage » PMA/vie professionnelle,
  • la contrainte des piqûres, traitements,
  • le report de transfert,
  • les aléas du timing pour le jour de la ponction,
  • les résultats de béta HCG – –
  • les conséquences pour la femmes : prise de poids et moral en berne dû à la prise d’hormones,
  • la culpabilité,
  • l’abus de pouvoir de certains médecins,
  • l’épreuve du recueil de sperme,
  • le pipi post transfert,
  • les saignements,
  • la question de l’adoption comme solution de recours en cas d’échec de l’aide médicale,
  • les « on y travaille » des débuts pour justifier des essais et de la non arrivée de bébé…

Et quelques passages qui m’ont interpellée tellement ils sont vrais :

p. 75 : « Une FIV, c’est le test implacable du couple. C’est la mécanique glaciale qui s’immisce dans l’intimité »

p. 109 : « Ca devient dur de voir autant d’enfants… »

p. 116 : « Faire une FIV, c’est courir un marathon avec saut de haies »

pp. 152-153 : « Les nombreux examens, les formalités administratives, la multiplication des interlocuteurs et des emplois du temps, la contrainte physique du traitement, les essais ratés qui s’enchainent. Finalement, des années de combat épuisant, à l’issue incertaine. L’avenir s’assombrit à chaque échec… D’autant que chez les autres, les enfants naissent et grandissent, en vous renvoyant vos fiascos à la g*eule… »

Pour en savoir plus, c’est ici.   lulu de père en fiv