C’est le genre de phrase qu’il m’arrivait régulièrement de prononcer quand, des gens qui ne nous connaissent pas, me/nous posaient la question « et vous, vous avez des enfants ? ».
Une réponse négative de notre part entraînait bien souvent un « ah bon, vous n’en voulez pas ? » ; ce à quoi, je rétorquais : « toutes les femmes ne sont pas égales face à la nature/fertilité… »
Samedi soir, c’est moi qui, pour la première fois, me suis entendu dire cette phrase qui m’arrachait le coeur quand je la prononçais moi-même… et qui m’a arraché le coeur quand je l’ai entendue de la bouche d’une femme chez un couple d’amis. Elle est restée très discrète sur son parcours pensant sûrement que ça ne servirait à rien d’en parler (elle ne pouvait pas s’imaginer que nous étions passés par la case AMP en France et à l’étranger…) mais j’ai compris. Les PMettes -même si j’ai la grande chance d’être passée « de l’autre côté »- se comprennent entre elles.
Je me suis revue. Les longues années d’attente et de galère ont défilé devant mes yeux.
Que pouvais-je lui dire ? Ce qu’on m’a tant de fois dit et répété « ça viendra » ou « continuez » ou alors « ne perdez pas espoir, vous y arriverez » … phrases, pour l’anecdote, qu’on a d’ailleurs à force fini par ne plus nous dire.
Je n’ai pas pu lui dire de persévérer.
La PMA est une véritable tombola.
Je suis pourtant de ceux qui pensent que la persévérance augmente les chances d’y parvenir. Mais ça peut aussi, et plus souvent qu’on ne l’imagine, ne pas fonctionner.
J’ai senti dans son regard l’envie (pour ne pas dire la frustration) que je ressentais si fort quand je voyais tous ces ventres facilement arrondis.
Alors, je lui ai dit. Tout dit. Bien plus que ce que l’on dit à une personne que l’on ne connaît pas -j’ai du mal à me contenir quand l’occasion se présente, comme ici, ou quand on me lance sur le sujet…- : toutes les tentatives, les fausse-couches, les espoirs et désillusions, les (presque) 6 années entre le moment où la décision a été prise de fonder notre famille et celui, tout proche désormais, où nous prendrons enfin notre fille dans nos bras. J’ai eu besoin de me justifier. Comme pour lui demander pardon. Car je connais la puissance et l’intensité de cette souffrance.
Et son visage s’est transformé. Son regard a changé.
J’ai deviné que je n’étais plus celle qu’elle croyait que j’étais à savoir, une femme enceinte, comme toutes les autres… mais une femme enceinte qui la comprend et qui est passée par là.
Combien de fois ai-je supplié la vie de nous apporter ce cadeau de la vie… ? J’ai été exaucée.
J’espère toujours aussi fort pour vous qui attendez… comme j’espère aujourd’hui pour cette jeune femme.